LE MURMURE DU TIMBRE

Publié le


Il ne manquait presque aux trois « hôtesses » d'accueil que des beignets et du Coca à proposer à la bonne trentaine de personnes qui se pressait. Cartes postales, livres, BD, voitures au look Dinky Toys pour les enfants ... Vous pouvez acheter des stylos parfumés. Vous dénicherez où vous faire masser, trouverez des coffrets cadeaux qui vous permettront d'offrir ou de vous offrir une escapade gourmande, un weekend au ski ou dans un château. Et vous trouverez toute une collection de cartes postales pour dire où vous étiez. Si vous trouvez le temps long, un distributeur de « Dépêche » vous vendra la « Dépêche »...

Non, cette après -midi, je n'étais pas à La Samaritaine. J'étais tout simplement dans le hall  de la Poste Saint -Aubin à Toulouse.


LA POSTE, C'EST FORMIDABLE


La Poste c'est formidable ! On y trouve trois panneaux lumineux (merci Golfech) qui vous dirigeront vers le guichet qui vous accueillera selon le ticket que vous avez préalablement sélectionné au distributeur de tickets. Non, non, nous ne sommes pas à la Sécurité Sociale, vraiment.

Usagers et clients

1 Guichet « Pro »

2 Guichet « Toutes opérations »

3 Guichet « Envois, affranchissement »

Avec ma simple lettre de probablement moins de 20 grammes, à affranchir, je relève du choix 3. Après le clic, je tire le numéro 287.  Bingo ! Je suis chanceux sur le panneau lumineux qui doit me guider : le 285 est affiché. Donc un usager avant moi. Ça devrait aller...

Sur le panneau 1, ça défile. Les « Pros » arrivent les uns après les autres. Les clients sont à peine munis du sésame, qu'un des trois guichets s'ouvre.

Pour les autres ça semble être un tout autre tempo. Les usagers, l'œil scotché sur les petites lumières attendent la petite musique qui les invitera. Pour quelques personnes âgées, simplement usagers, pas de guichet prioritaire. Heureusement deux ou trois chaises sont là.

Me voilà là depuis un bon quart d'heure.

Je suis distrait de mon inventaire de la ribambelle d'enveloppes pré timbrées, par un vigoureux «  286 ! » clamé par l'hôtesse de choc de l'accueil. Madame 286 est dirigée de façon courtoise mais ferme et carrée par Madame La Poste vers les automates à peser et timbrer. (Ils ne servent pas -encore- le café...)


Préposés et hôtesses


Bien entendu, le pressant « 287 » vient logiquement. Je me manifeste en annonçant à Madame la guichetière d'avant poste ( !) que je préfère faire la queue et que je ne tiens pas à utiliser la machine à timbrer. Son étonnement ne peu durer, happée qu'elle est par les demandes de formulaires qui tombent. C'est que l'horaire de pointe ne doit pas être loin. Paquets et lettres en main, je devine mes compagnons de cheminement lumineux.

Mais les le loto continue : « 288 ! 289 ! 90, 91, 92... » C'est alors que, soulagement mon cheminement douloureux prend des allures de sentier lumineux : le « 293 » s'affiche à la suite du ... 285. Considérant légitimement que mon tour est largement arrivé après la petite demi heure de ténacité, je m'approche vers le guichet en signalant que -quand même- ça devrait être à moi.

« Non » me signifie la préposée. C'est le « 293 », approuvée par le monsieur encombré d'un colis. « C'est pour affranchir cette lettre? Allez à l'automate ! »

Je tente et commence un début d'argumentation et devant mes protestations un peu sonores, Madame hôtesse de choc me renvoie, un peu irritée mais polie, me faire timbrer par l'automate. Refus. Palabres...

« Venez, on va s'occuper de vous ».  Derrière le pilier, Madame hôtesse numéro 2, jeune en formation probablement, a, une balance et une imprimante de vignettes faisant office de timbres. Elle ne tarde pas, bien sûr, à me renvoyer vers l'automate et enfin finir par me demander, résistance aidant, pourquoi je refusais ce que la Poste mettait si gentiment à ma disposition.
Lui expliquer que le jour où les automates feraient tout et toutes les opérations, cela mettrait sans doute en péril sa présence même, et que si je prenais le temps de faire la queue, c'était pour sauver son emploi, ça n'eut l'air de ne pas lui parler du tout... « Si je ne fais pas ça, je ferai autre chose... ! ». « Eh oui, bien sûr, vous irez pointer au chômage, c'est effectivement autre chose. » Les dizaines d'usagers résignés ou (et) assoupis, semblèrent entendre que le ton changeait d'autant qu'un usa..., pardon un client (vous savez, ceux qui font partie de la France qui se lève tôt, jeune, cadre et ...dynamique ! Pas de caricature, vraiment ça), m'interpelle vertement en m'assénant avec mépris que le jour où il n'y aura que des automates ce ne sera un problème puisqu'il y aura plein de boulot pour ceux qui fabriquent des automates. Incontournable !


Hommes et robots


Ma lettre affranchie après une mi temps de rugby avec arrêts de jeu (pour les profanes : 40' et 4', 5 ' de plus... une mi temps de foot, quoi, sans les arrêts de jeu !) je réussis quand même à faire entendre à toute la boutique, pardon, à tout le bureau de Poste, que je préfèrerai toujours, bonne ou mauvaise humeur, sourire ou grimace des mauvais jours, avoir affaire à des êtres humains qu'à des automates. « Que ceux qui préfèrent, comme vous Monsieur, l'échange avec l'automate que l'échange avec un homme ou une femme, persistent et signent.... Que les autres boycottent la destruction du service public et la déshumanisation de la vie sociale... »

Ni la jeune hôtesse, sous formée, sous payée, sous informée, ni l'hôtesse de choc aiguillage vers l'abandon des guichets, ni une majorité de clients ne semblent avoir compris ce qui c'est passé.

Pour le service public, l'avenir est sombre comme un panneau lumineux.

  • NB: ma lettre à poster était une requête gracieuse auprès de la Commission Paritaire ad hoc qui vient de sucrer l'autorisation au journal «ALTERS ECHOS» ( altersechos;over-blog.com)  la possibilité de bénéficier d'envois à tarifs préférentiels par ...LA POSTE. Je recevais en même temps une proposition de ... LA POSTE pour les entreprises qui souhaitent bénéficier de tarifs «avantageux». On cherche à aiguiller les journaux militants vers le panneau 1...?

User l'usager.






Publié dans Service public

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article