L' OBSOLESCENCE PROGRAMMEE DE LA PLANETE ?

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« Le recyclage est un pansement créé par le grand capital pour continuer à produire ». Il n’y a pas constat plus réaliste que celui fait par Philippe Starck, créateur, designer mais aussi à l’origine de tant de biens de consommation, fussent-ils beaux… Et ils le sont souvent.

Le recyclage est l’arbre qui cache l’épaisse forêt de la consommation qui ne cesse de s’étendre.

La machine capitaliste productive continue de mettre en  avant un recyclage croissant agitant ainsi un miroir aux alouettes qui cache justement le choix de la surconsommation plutôt que celui de la maî­trise désormais devenue incontournable d’une production qui épuise la planète. Et l’obsolescence programmée n’est qu’un aspect de cette autodestruction programmée.


Prenons par exemple le plastique. 265 millions de tonnes de plas­tique sont produites chaque année, soit plus de 8 400 kilos par seconde, consommant 8 % environ de la production mondiale de pétrole. Et chaque année la production continue de croître. En Europe, chaque habitant « consomme » 92 kilos de plastique/an. Presque la moitié de façon éphémère (emballages, conditionnements…) En France, l’éco­nomie se repaît de 65 milliards de tonnes de matières premières pour fabriquer de nouveaux produits, soit 2,6 tonnes par seconde. Cette consommation de matières premières devrait atteindre 82 milliards de tonnes en 2020 malgré les progrès du recyclage. On recycle moins de 20 % du plastique en France en 2012 : le reste, soit 105 kilos par seconde ou 3,3 millions de tonnes par an, finit en décharge ! Stop ! As­sez de chiffres ! On peut toujours plus recycler le différentiel ne cesse d’augmenter de façon inéluctable.


On se réjouit pourtant, endormi, par les bons soldats de la crois­sance, - je parle des publicitaires - de voir un mouvement de masse de réduction des sacs en plastique, au profit de l’alternative durable des sacs en tissus par exemple... On se réjouit de voir même des villes qui abandonnent le plastique. La mégalopole de Delhi, en Inde, qui interdit les sacs en plastiques, dans le « village » étatsunien de Concord, Massachusetts, (16 000 habitants) les bouteilles d’eau en plastique sont prohibées. D’autres aussi…Une dérisoire goutte d’eau qui suffit à abreuver les bonnes consciences. Une goutte d’eau dans un océan.

Justement… 10 % du plastique produit finit dans les océans. Mais en tout ce sont 6,5 milliards de kilos de déchets plastiques qui sont déversés dans les océans, soit 206 kilos par seconde... qui finissent à terme en microparticules ingérées par la faune marine(1).


le 7ème continent…


Un drame (presque) anonyme est en train de se jouer dans le Pacifique Nord. Un peu moins anonyme depuis que des chercheurs français (dont des toulousains) s’y sont intéressés après quelques nord-américains et qu’une expédition dont le départ est prévu en mai 2013 se prépare(2). Dans le Nord-est du pacifique, entre la Californie et Hawaï, les déchets produits par les activités humaines et déversés dans les océans sont acheminés par les courants marins vers un nouveau « continent » bouli­mique. C’est à la fin des années 90 qu’est découverte la « Grande plaque de déchets du Pacifique » – appelée « 7ème continent » - dont la taille a triplé depuis, atteignant aujourd’hui près de 3,5 millions de km² ! (soit 6 fois la France !) Ainsi, selon Chris Parry, chef de programme de la Califor­nia Coastal Commission de San Fransisco, les déchets tourbillonneraient depuis plus de 50 ans sous l’effet du gyre subtropical du Pacifique Nord (North Pacific Gyre) et s’accumulent dans cette zone peu connue : peu de routes commerciales et peu de bateaux de pêches dans ce secteur. A l’image d’un puissant siphon marin, le vortex attirerait vers lui tous les résidus de notre société de (sur)consommation. Toutefois, contrai­rement au siphon, les déchets ne sont pas « aspirés » mais accumulés et bien visibles. Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement mentionnait en 2006 qu’on trouve en moyenne 46 000 morceaux de plastique par 2,5 km² d’océan sur une profondeur d’environ 30 mètres ! Ce « continent » de déchets plastique ressemble davantage à une soupe de plastique constituée de macro déchets épars mais surtout de petits éléments, invisibles sans une fine observation. C’est en filtrant l’eau que l’on découvre une mixture composée de petits morceaux de plastique qui se sont fractionnés mais aussi des granulés de plastique qui sont utilisés comme matière secondaire pour fabriquer les objets en plastique. « En certains endroits, la quantité de plastique dans l’eau de mer est jusqu’à 10 fois supérieure à celle du plancton, maillon élémen­taire de la vie dans les océans » (Charles Moore, Algalita Foundation) ! On parle alors de « plancton plastique » (source : notre-planète.info)

Le nettoyage de cet océan de déchets et de plastique est impossible. Plusieurs missions se penchent enfin, une quinzaine d’années après sa découverte, sur ce « 7ème continent », et sur ce cas qui dépasse tout processus de retraitement, ou de recyclage: l’Algalita Marine Research Foundation, le projet Kaisei et l’expédition du CNES.

Mais il semble déjà tard. Trop tard. L’arbre qu’est notre poubelle bleue qui recycle notre bouteille plastique ne doit pas – plus – cacher la frénésie de la surconsommation. Seule petite trouée possible dans la forêt : la règle des 8R de Serge Latouche (Revaloriser, Reconceptuali­ser, Restructurer, Redistribuer, Relocaliser, Réduire, Réutiliser, Recycler). Une clairière qui permettrait à la planète d’au moins souffler… Ou l’obsolescence déprogrammée de la planète ?

« Si on avait d’abord misé, avec autant de sérieux, d’arguments, de techniques, de force, de ténacité, sur le bien-être des humains, on n’en serait pas à ce stade. Le laisser-aller de l’humain par rapport à sa planète vient de sa propre détresse. On ne peut demander à un naufragé de faire attention à la propreté de la mer qui l’entoure. » Philippe Starck

Parlait-il du Pacifique Nord…?


(1) des études prouvent qu’il peut être retrouvé dans des poissons des taux de plastique qui (s’ils étaient reportés à la taille de l’homme) correspon­draient à 20 grammes. Si tel était le cas, on s’inquiéterait pour l’homme. Pour ce qui est du poisson : silence radio même si le plastique remonte la chaine alimentaire : des poissons lanternes de petite taille servant de nourriture aux moyens, et enfin jusqu’à nos assiettes.


(2) www.septiemecontinent.com

Consulter : www.projectkaisei.org www.algalita.org

Publié dans Ecologie- Economie

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